Quand je me suis inscrite au week-end spirituel du grand ouest, je ne me suis pas vraiment arrêtée au thème. Je me suis laissée guider par l’expérience heureuse faite l’an dernier à l’abbaye de Timadeuc. Les moniales nous ont accueillies comme les moines en tant que groupe « David et Jonathan » avec bienveillance et simplicité. Cette fois, nous n’avons pas participé aux lectures, ni à la procession des offrandes, ni n’avons été nommés explicitement durant la prière universelle mais avons été discrètement évoqués comme hôtes dans leurs intentions de prières (liturgie des heures).
Elles nous ont accueillis malgré leurs réticences dues aux conditions sanitaires. Un grand merci à Jean-Louis qui, tel un Abraham des temps modernes, a dû négocier avec conviction pour relever la limite fixée. Du coup, nous avons eu le choix d’obtenir à notre guise qui une chambre double, qui une chambre individuelle, et même une délicatesse pratique pour Christophe, malvoyant accompagné de Ronan du Finistère, de disposer d’une chambre double au rez de chaussée. Ainsi, l’hôtellerie a été royalement à notre disposition durant le week-end.
La co-organisation entre les binômes Etienne/Gabriel (Finistère) et Jean-Louis/Denis (Rennes) m’a semblé fluide, de même la co-animation par le duo Denis / Malou ; dont les interventions ont été très complémentaires.
Denis a introduit la thématique de manière succincte :
• Avènement progressif du monothéisme au sein d’une culture polythéiste ; diverses manières d’évoquer la divinité qu’elle soit féminine comme avec la Pachamama andine (dans sa version originelle et non édulcorée), ou sous forme d’un couple dieu/déesse ; Dieu distinct de l’univers, Dieu tout-autre.
• Les termes féminins en hébreu désignant le souffle (rouah) – Malou complète avec le terme grec pneuma qui est neutre – la présence (shekinah), la sagesse (hotmah).
• Dans l’AT, les attributs de Dieu comme accouchant son peuple, une mère aimant d’un amour inconditionnel, telle une poule qui couve ses petits (…)
• Jésus qui s’adresse aussi bien aux hommes qu’aux femmes, qui a 12 apôtres, comme les 12 tribus d’Israël, mais de multiples disciples.
J’ai aimé qu’il réveille ma lecture quand il rappelle que les attributs sont empreints de représentations sociales. Si l’utilisation d’un verbe d’action permet de lever des ambiguïtés, on ne peut échapper à un travail de distanciation. On s’exprime toujours dans une langue avec ce que chacun véhicule d’images plus ou moins conscientes selon son histoire, son expérience. Rien n’est figé, ce qui n’est sûrement pas confortable mais s’avère d’une incroyable ouverture.
Il est important de questionner les textes bibliques avec les connaissances de chaque époque. S’il est bon que la Bible soit sujette à interprétations, on ne peut pas non plus dire n’importe quoi. Denis disait lors d’une intervention à un autre moment : « Dis-moi comment tu lis [la Bible], je te dirai qui tu es ».
Revenir à des éléments de traduction en hébreu et en grec est très éclairant pour tenter de dire quelque chose de qui est Dieu, par sa présence, sa Parole, son agir, puis à travers les diverses manières dont le peuple d’Israël l’a perçu, Lui, l’Ineffable, ce qu’en manifeste Jésus, dans sa relation au Père. Et nous / et moi, quelles sont nos / mes représentations ? De là découle l’autre question : quelles sont mes fausses représentations de Dieu, donc ces faux dieux, ces idoles à débusquer constamment. Celui qu’on nomme Dieu, le Seigneur ou Adonaï m’échappe toujours et pourtant il se fait si proche, l’un de nous. Scandaleux : au sens étymologique, une pierre d’achoppement. La lecture biblique présente des textes sur lesquels je bute et il est bon qu’il en soit ainsi. Le Mystère n’est pas ce truc fumeux ni énigmatique qui nous ferme tout accès à une connaissance. Il est, je crois, ce qui se révèle peu à peu, se donne à qui le cherche, de l’ordre d’une quête incessante et d’une rencontre, d’ouverture à plus grand que soi. « Tu étais au-dedans de moi alors que je te cherchais au-dehors. » disait à peu près Augustin d’Hippone comme une invitation ab extra ad intra. Par ailleurs, j’aime cette phrase de Dietrich BONHOEFFER que cite Malou : « Il faudrait vivre sans dieu (c’est moi qui mets une minuscule) mais devant Dieu. »
Les interventions de Malou LE BARS, bibliste du diocèse de Quimper, ont été denses. Plusieurs jours ne suffiront pas à laisser résonner le contenu qui nous a conduit bien au-delà de la question du masculin et du féminin de Dieu. Partant de la racine étymologique du mot « dieu » en français, dies à la fois le jour et la lumière, qui inclut une dimension temporelle et spatiale, elle souligne que Dieu est irreprésentable. Il fait éclater les catégories, y compris celle du genre. Elohim : il y a du pluriel en Dieu.
J’ai aimé entendre qu’il est bon que le texte biblique nous/me résiste. Je me sens invitée à m’en nourrir davantage pour que cette Parole prenne chair dans ma vie, lui donne de la consistance.
Malou nous a introduit à la lecture figurative de la Bible. J’ai littéralement bu ses paroles.
Je retiens notamment que :
• L’église est l’assemblée des appelés de tous les peuples, de tous les temps.
• L’Esprit est la relation entre le Père et le Fils (filiation) ; il traduit l’insaisissable de cette relation d’amour. Dieu est au-delà du genre. L’Esprit passe toujours par une brèche.
• Les Noces échappent à nos institutions humaines. Pourtant, on ne peut rencontrer Dieu que dans l’humain. Je n’aurai jamais assez de toute une vie pour apprendre à devenir frère/soeur en Lui, par Jésus. On n’a pas encore pris la mesure de l’Incarnation …
• Le Christ, la Parole qui s’est faite chair.
• Les matriarches sont stériles parce qu’elles doivent engendrer des peuples de la Promesse. Nous sommes tous « stériles » ou « eunuques », tant qu’on n’a pas été visité par Dieu.
• Notre origine est par delà notre naissance biologique.
Enfin, dimanche matin, Denis clôt avec une réflexion sur le concept de genre qui permet de différencier ce qui est de l’ordre de la biologie et du social. Les rôles sont souvent justifiés par des préjugés culturels. A grands traits, il évoque le genre et le discours des églises, le genre et l’éducation (avancées et reculs). Il interroge les détracteurs d’une « théorie du genre ». Se priver de cet outil, serait s’interdire les approches philosophique, psychologique, historique, sociologique.
Quel coup de balai sur les scories de préjugés qui me sont longtemps collés à la peau ! Chacun fait ce qu’il peut là où il/elle en est, c’est certain. Néanmoins, je pense que pour ne pas stagner et avancer dans notre croissance humaine et spirituelle, il ne faut pas craindre d’être déplacé(e) au lieu de camper sur nos positions. Je repars avec plus de questions : Si c’était l’objectif visé, c’est réussi.
Je termine en reprenant la citation d’Emmanuel CARRERE, évoquée par Denis, : « Une lucidité douloureuse vaut mieux qu’une apaisante illusion. » A méditer.
Bien-sûr, la veillée improvisée avec ce que chacun apporte est toujours un moment de riches partages : chants, poèmes, impro théâtrale, témoignages, textes lus. Je suis particulièrement sensible à la poésie de Piero.
Merci Seigneur d’être présent en chacun de nous de manière si personnelle, d’inventer des chemins pour rejoindre les cœurs un temps soit peu assoiffés.
Myriam